segunda-feira, 10 de março de 2014

6 clés pour comprendre comment vivent les ados sur les réseaux sociaux

danah boyd, en minuscules.
Après dix années de travail auprès de jeunes Américains, danah boyd, blogueuse sans majuscule, chercheuse chez Microsoft Research et professeure associée à l’université de New York, publie un livre pour éclairer l’usage que les adolescents ont des réseaux sociaux.
 
It’s complicated : the social lives of networked teens (disponible gratuitement en anglais, en attendant une traduction en français) veut expliquer aux parents ce que font concrètement leurs enfants sur Internet, s’attachant à démonter plusieurs fantasmes et à nuancer les risques les plus couramment évoqués (cyberaddiction, perte d’identité, disparition de leur vie privée, harcèlement, mauvaises rencontres).

It’s complicated, du nom d'un statut Facebook, illustre toutes les facettes de cette vie en ligne qu’ont ces adolescents aux yeux rivés sur leur smartphone. Nous avons rencontré danah boyd à Austin (Texas), au festival « South by Southwest » consacré aux nouvelles technologies. Elle donne plusieurs pistes pour comprendre comment les ados vivent sur les réseaux sociaux.

1. Les copains d’abord

Pour danah boyd, « les réseaux sociaux sont un endroit où les jeunes peuvent se retrouver avec leurs amis. Il faut prendre ça comme un espace public dans lequel ils traînent. »
Ces « rassemblements » sur Instagram, Snapchat, Twitter et consorts, sont la conséquence, selon elle, des restrictions imposées ailleurs.
« Aux Etats-Unis, avant la généralisation des ordinateurs et d’Internet, il a progressivement été de plus en plus difficile pour les jeunes de se déplacer et de voir leurs amis. Écoles éloignées du centre-ville, restrictions sur l’argent de poche et sorties aux centres commerciaux les ont empêchés de passer du temps ensemble. Dans beaucoup de familles, la peur de l’extérieur et le danger de l’inconnu a conduit à un cloisonnement plus important. »
« Et puis, la technologie est arrivée », se souvient-elle, en s'appuyant sur son expérience personnelle :
« Dans les années 1990, je me suis rendu compte que les ordinateurs n’étaient pas que des machines mais étaient en fait peuplés d’humains qui discutaient entre eux. Cela m’a paru tout de suite beaucoup plus intéressant. J’ai pu enfin avoir une vie sociale active, à travers des forums ou ce qu’on n’appelait pas encore des blogs, et faire des rencontres qui m’ont profondément marquées. »
Le phénomène se répète aujourd’hui sur les réseaux sociaux, avec une multitude d’outils et des milliers de services qui permettent aux adolescents d’avoir plusieurs niveaux de conversations « dans l’intimité de leur téléphone », la plupart du temps avec des cercles d’amis proches. « La plupart des jeunes n’aiment pas parler avec des inconnus, malgré toutes ces technologies incroyables qui permettent de communiquer avec le monde entier, assure-t-elle. Les jeunes Américains ne sortent pas de leurs frontières. Ils s’en tiennent à leur désir fondamental d’adolescent : voir leurs amis, parler avec eux de leurs expériences et de ce qu’ils connaissent (comme la vie scolaire), tout ça à l’abri des parents. »

2. « Gardez votre calme »


Ces « rassemblements » sur Instagram, Snapchat, Twitter et consorts, sont la conséquence selon elle des restrictions imposées ailleurs.
L'utilisation frénétique des réseaux sociaux est de nature à troubler papa comme maman. Dans la préface de son livre, danah boyd raconte comment un jeune, après lui avoir expliqué sa chaîne Youtube en détail, lui a demandé si elle pouvait aller l’expliquer à ses parents. « Ma mère pense que tout ce qui se passe en ligne est mauvais. Vous semblez comprendre que ce n’est pas le cas et vous êtes une adulte. Est-ce que vous pouvez lui parler ? »

Après ses longues discussions avec les adolescents, danah boyd se permet donc de donner quelques conseils aux parents intrigués ou décontenancés.

« Faites tout ce que vous pouvez pour garder votre calme ! La tentation est grande de tout vouloir contrôler et d’imposer des restrictions très fortes aux connexions des ados. En faisant ça, vous aurez démontré que vous avez un pouvoir, mais vous n’obtiendrez pas leur confiance. De même, espionner ses enfants en permanence n’est pas la bonne solution.
Cela ne fera que créer des conflits et augmenter le stress des adolescents qui, de toute façon, trouveront des moyens de contourner cet espionnage avec des applications et des réseaux sociaux que vous ne connaissez pas encore. Il faut poser des questions, dialoguer ouvertement, plutôt que de présumer tout savoir. Il faut également créer autour d’eux un réseau d’adultes vers lesquels ils pourront se tourner en cas de problème : c’est l’une des principales missions d’un parent. »

3. La vie privée n’a pas disparu

« Les jeunes sont obsédés par leur vie privée. Ils veulent avoir le contrôle de leur vie sociale à tous les niveaux, assure la chercheuse. Leur préoccupation majeure est de pouvoir se construire librement, sans avoir leurs parents sur le dos. Alors ils apprennent à maîtriser les paramètres de confidentialité des services qu’ils utilisent, même s’ils sont compliqués. Ou alors, ils les détournent en se créant des faux profils avec des pseudos. »
C’est la raison pour laquelle les jeunes cherchent de nouveaux lieux de socialisation en ligne lorsque leurs parents deviennent leurs amis sur Facebook ou les suivent sur Twitter. « Ce n’est pas cool quand la famille débarque là où on traîne avec ses amis. Alors on trouve un nouvel endroit », constate-t-elle.

Dernièrement, la très forte utilisation de Snapchat a répondu à ce besoin. Mais a aussi ajouté une dimension supplémentaire, celle de l’éphémère (Snapchat permet d’envoyer des photos qui ne s’affichent que quelques secondes sur l’écran avant de disparaître). Le succès de cette application montre, selon danah boyd, que les jeunes ont conscience des risques à poster des photos ou des vidéos d’eux sur les réseaux sociaux, qui pourront ressurgir des années plus tard.
« Un monde où tout est permanent et stocké en ligne n’est pas confortable. Snapchat, ce n’est pas qu’une question d’intimité : pour les ados, c'est une manière de contrôler encore plus ce qu’ils envoient. Avec cette application, ils se concentrent sur le présent : leurs blagues et messages qu’ils s’envoient sont faites pour un instant T, pas pour l’avenir. Quand à l’envoi de photo dénudé, c’est minime. Et, ce sont souvent des adultes qui s’y sont fait prendre… »

4. Les « J'aime » leur font du bien


Un selfie au soleil.
Dans un moment de leur vie où ils sont en recherche d’identité, les adolescents utilisent les réseaux sociaux car cela leur permet de se sentir importants, juge la chercheuse.
« Les jeunes partagent des phrases et des images dans l’espoir d’avoir un retour. Les “J’aime”, les retweets, toutes les interactions générées par ce qu’ils postent en ligne sont perçues comme des marques d’attention qui leur font du bien. Et il ne faut pas donner plus d’importance à un “J’aime” qu’un hochement de tête dans une conversation. »
Cette recherche d’attention peut prendre l’aspect d’un nombre incalculable de « J’aime » ou d’une course à la célébrité. « Beaucoup de jeunes sont visibles, parfois très visibles, en contrôlant des profils qui générent beaucoup de “J’aime” ou de “retweets” parce qu’ils veulent, au départ, être reconnus de leurs amis. Le nombre de followers vient en complément des nouvelles Nike, et a remplacé le blouson de cuir. »
Là encore, le récent succès de Snapchat s’appuie sur ce besoin d’obtenir de l’attention – et de s’assurer que l’interlocuteur est bien présent. « Pour regarder une image sur Snapchat, il faut faire une pause pendant une dizaine de secondes [l’application nécessite d’appuyer sur l’écran de son téléphone pour que la photo s’affiche]. Le récepteur doit prendre le temps de tout arrêter pour regarder ce message éphémère. Il y a des milliers de tweets, de photos sur Instagram, personne ne peut tout lire ou tout voir dans ces flux gigantesques de données. Snapchat modifie en cela notre comportement face à Internet : on est sûr que la personne qui reçoit notre image a focalisé son attention sur cette dernière. »

5. Les selfies ne sont pas (que) narcissiques

Selon la chercheuse, les « selfies » (autoportraits) qui ont envahi les réseaux sociaux ne sont pas le reflet d'un nouveau narcissisme. Elle souligne que le fait de se prendre en photo soi-même n'est pas nouveau, et que la prolifération actuelle est vraisemblablement due à la facilité de réaliser ce geste avec un smartphone.
« Un selfie permet à celui qui se photographie de prendre possession d'un lieu, d'un moment et d'un contexte. Les gens cherchent simplement à célébrer l'instant en se prenant en photo. Mais c'est aussi une façon d'être présent et d'affirmer au monde qu'on est quelque part. Le but étant ensuite d'en discuter avec son entourage. »
Elle explique de la même manière le succès chez les jeunes des nombreuses applications dédiées à la retouche d'images (Instagram avec ses filtres, Vine avec son montage, Snapchat avec ses dessins, etc.).
« Plus besoin de Photoshop. Avec des smartphones qui combinent appareils photos et applications, on peut s'approprier la réalité et la partager au monde telle qu'on la voit ou avec le sens qu'on veut lui donner. Et cela permet d'éviter d'avoir à se définir avec du texte, dont tout le monde n'a pas la même maîtrise. »

6. Les jeunes sont des internautes comme les autres

Pour danah boyd, la vérité n'est pas complexe : « Les adolescents sont comme nous. »
« Toutes les conclusions auxquelles je parviens après mes recherches peuvent s'appliquer à d'autres catégories sociales qui ont une vie active sur Internet. Ce qui est différent pour eux est qu'ils se construisent une identité, avec bien plus de contraintes, et qu'ils recherchent une liberté qu'ils doivent conquérir face à plusieurs représentants de l'autorité, à la différence des adultes qui l'ont déjà obtenue. Ils utilisent pour ça d'une manière très inventive les outils numériques à leur disposition. Les adultes qui doivent subir des contraintes dans leur vie de tous les jours le font de la même manière. »
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